"Faire son chemin".

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ubik
le 25/10/2008
Chacun de nous, en ce monde, avec le temps qui lui est imparti, doit faire son chemin.

Mais ça veut dire quoi, "faire son chemin" ? Il y a une infinité de façons de faire sienne cette phrase, qui veut tout et rien dire...

Faire son chemin, est-ce arriver à traverser la vie sans tomber dans les nombreuses embûches qu'elle réserve ? N'importe quel documentaire sur la vie animale montre à quel point les jeunes, à peine nés, sont la cible de prédateurs en tous genres. Et on sait que l'homme est un loup pour l'homme. Alors ?

Faire son chemin, est-ce trouver sa voie ? Mais laquelle est-elle ? Ou plutôt, où commence le choix individuel et où finit-il, secondé, remplacé insidieusement par les choix que le système essaie de nous imprimer, tout en nous faisant croire qu'ils viennent de nous ?

Faire son chemin, est-ce se marier, avoir des enfants, assurer ainsi la survie de l'espèce ?

Se réaliser en tant qu'homme, à savoir faire une carrière professionnelle réussie ? Rentrer comme commis et, à la force du poignet, devenir directeur ? Tous les jours, aller à un boulot où on verra les mêmes tronches pendant des années, les voir se décrépir pendant qu'on se décrépit soi-même, et maintenir la boite à flot, essayer de lui conserver sa place ? Rester pendant des années au service contentieux, au service expéditions, au service compensation, au service litiges ? Pauvres de nous...

Faire son chemin, est-ce arriver à avoir une idée, même vague, de qui je suis, de qui est mon être profond, lumineux ?

Est-ce développer ses dons, arriver à acquérir ce qui nous manque, pour enfin devenir celui que nous avions idéalisé ? Un grand matheux, un grand médecin, un grand violoniste, un grand ceci, un grand cela ?

Est-ce trouver son chemin spirituel et se réconcilier avec la vie, pour le peu de temps qu'il nous en reste ? Suivre la voie tracée par tel ou tel qui nous a inspirés ? Apprendre le sax pour suivre les traces de John Coltrane ? Peindre guidé par Paul Klee ? Ecrire des romans qui répondent à ceux de Malaparte ?

Est-ce arriver à faire accepter aux autres celui que je suis, alors qu'eux voient autre chose ? Ce faisant, est-ce que je me conforme à mon idéal intérieur, ou à un idéal extérieur que j'ai fait mien, en toute bonne foi, mais qui n'est qu'une illusion ?

Faire son chemin, est-ce trouver une compagne, réussir à se caser ? Accéder à la propriété, construire une maison ? Avoir des enfants ? Etre riche ? Etre célèbre ? Etre indépendant financièrement ? Etre en accord avec ce qu'on ressent au plus profond de soi ? Mais qu'est-ce qui est profond et qu'est-ce qui ne l'est qu'en apparence ? Pendant des années nous pouvons nous identifier à un "moi" que nous avons construit, et qui n'est en réalité qu'une construction, justement.

C'est quoi, faire son chemin ? Je suis certain que si je dis à 50 personnes "dans la vie il faut faire son chemin", elles seront toutes d'accord avec moi, et que pas une ne l'aura compris de la même façon que les 49 autres... C’est quoi, faire son chemin ? Accommoder comme on peut, à la sauce perso, les complexe d’Oedipe, de castration, de machin et de bidule ? Faire le travail de deuil, accepter sa propre mort et, avant, celle de ses parents, et de ceux qu’on aime ?

Qui peut me dire ce que c’est que ce bintz ?

Personne.

C’est ça le gag. On est tous là, à se poser la question, et personne ne peut donner la réponse.

Mieux : toute personne prétendant avoir la réponse est, selon mon expérience de la vie, hautement suspecte : il n’y a personne dont je me méfie autant que des gourous ou des dictateurs.

A vous lire,
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