Il faut cultiver notre jardin.

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ubik
le 26/03/2007
Bonjour chers amis,

Cela fait une éternité que je médite d’écrire ce message. Ces derniers temps, je suis peu présent ici. Actuellement, je me trouve comme Candide, qui, à la fin de son voyage, décidait avec Pangloss de cultiver son jardin. Sauf que moi, je ne cultive guère, mais je débroussaille à tout va. Eh oui, soumis aux impératifs des décrets préfectoraux, je me dois d’entretenir mon terrain ( bien content d’en avoir un ). Donc, j’ai plus souvent la tronçonneuse au bout des doigts, que le clavier de l’ordi. Je m'achemine peu à peu vers mon fantasme de devenir une sorte d'emite trois étoiles, un bûcheron-écrivain, un plombier-percussionniste, enfin, une bestiole appartenant à une espèce pas encore répertoriée.

Cela dit, ça ne m’empêche pas de réfléchir. Et puis j’aime bien l’alternance. Des choses très physiques, viriles, bruyantes, fatigantes, et puis à contrario, à d’autres moments, la lecture ( le pavé de Jonathan Littel par exemple ), la composition musicale, enfin, des activités assez variées, chacune permettant de faire le break par rapport à la précédente. J’aime ce côté mosaïque, plus ou moins polyvalent.

Les derniers messages que j’ai laissés ici n’étaient guère positifs. J’affrontais une crise intérieure assez profonde. J’avais le sentiment qu’une inadéquation profonde existait entre mes désirs et ce que la réalité pouvait m’offrir. Il me fallait ajuster, faire le tri, lâcher prise, établir les priorités, etc.

Cela s’est fait, lentement, très graduellement, je dirais comme une sorte de digestion. Personne ne pouvait m’y aider, j’étais comme un boa qui doit s’armer de patience et distiller lentement les sucs qui lui permettront d’assimiler la pilule, quelle qu’en soit l’éventuelle amertume.

J’étais donc au fond de mon mal être, dans une sorte de démarche minimaliste. De temps en temps ça m’arrive, je jette par la fenêtre tout ce qui encombre mon grenier mental, je balance tout en bas, dans la cour, puis je descends faire le tri, une tri féroce, qui ne garde que le strict nécessaire.

Passionné de musique, d’arts plastiques, de création en général, fortement investi dans la littérature, j’avais le sentiment de vivre dans un monde gouverné par une culture de masse orientée essentiellement vers de buts d’abrutissement généralisé. J’en concevais un sentiment d’échec, je me voyais comme une pièce rapportée, dans ce monde où nulle place n’existait pour moi.

En même temps, j’avais commencé une lente évolution grâce à la lecture de Don Miguel Ruiz, qui enseigne que nous rêvons notre vie et sommes aux commandes, d’une certaine façon, en orientant les expériences que nous vivons. Nous sommes créateurs de notre propre vie.

Mais il manquait quelque chose.

Je suis arrivé, lentement, par un processus long et douloureux, très solitaire, à émerger peu à peu de mon marasme, en énonçant quelques règles nouvelles, qui m’ont demandé un travail de deuil, mais qui me paraissaient incontournables. Je me suis dit que :

1 ) Non, je ne serais probablement jamais reconnu en tant que créateur, il me fallait en faire le deuil.
2 ) Il fallait absolument que je renonce à attendre quoi que ce soit des autres.
3 ) Pour rendre leur valeur magique et merveilleuse aux choses que j’aime ( la musique, les arts plastiques, la littérature, entre autres ), je devais couper ces disciplines de toute influence extérieure. En d’autres termes, je devais les pratiquer pour elles-mêmes, sans autre but que le plaisir de le faire. En cela, je rejoignais quelque part l’approche Taoïste qui dit que ce n’est pas tant le résultat qui compte, que le chemin parcouru pour atteindre le résultat.
4 ) Il me fallait retrouver le plaisir de faire les choses, en toute simplicité, sans me poser de questions et sans les inféoder à une approbation extérieure.

Et, assez curieusement, au moment où je retrouvais une relative sérénité, grâce à ces importantes décisions, au moment où j’entamais un profond changement intérieur, en balayant volontairement des années de conditionnement profondément ancré, je suis tombé sur Mihaly.

Je ne chercherai pas à écrire le nom de ce type. Il est trop compliqué, imprononçable, je n’arrive pas à m’en souvenir. En tous cas, son prénom, c’est Mihaly. Et son book, ça s’appelle « Vivre, la psychologie du bonheur ».

Et ce type dit des choses qui rejoignent exactement mes conclusions. Sauf que lui, c’est son boulot. Depuis des années, il dirige des recherches en psychologie sur le bonheur, l’accomplissement de soi.

Mihaly arrive aux mêmes conclusions que moi, sauf qu’il les formule avec d’autres concepts. Mais peu importe la terminologie.

Le truc fabuleux, c’est qu’il va plus loin, nettement plus loin. Forcément, c’est son champ de recherches depuis des années. Il explique comment l’individu peut se transcender à travers ce qu’il appelle « l’expérience optimale », il analyse comment celle-ci peu apparaître, quelles en sont les caractéristiques, les conditions facilitatrices, etc. Il s’interroge sur les facteurs cognitifs sous-jacents à ce sentiment de bonheur qu’on éprouve lors de l’expérience optimale. Il se livre à une réflexion très intéressante sur la frustration, comment elle est cultivée par le système ambiant, exploitée, récupérée… et il se trouve que ce qu’il décrit par ce phénomène d’expérience optimale ( sorte d’adéquation profonde entre l’individu et son environnement, entre les qualités et compétences de la personne et les exigences de la situation ), rejoint par de nombreux points ce que je ressens quand je crée, à travers les arts plastiques, la musique ou la littérature.

Mihaly est stupéfiant car il arrive à point nommé pour moi. Il formule, avec clarté et pertinence, des choses que je pense depuis longtemps et auxquelles je ne pensais pas que quiconque, en dehors de moi, s’y intéressait. J’ai longtemps réfléchi à l’importance essentielle que revêtait, dans la vie, le fait de trouver sa juste place, en termes de fonctionnement du cerveau. Arriver à l’optimisation de soi. Quand j’en parlais autour de moi, je ne voyais que mines circonspectes. Remarquez, peut-être que j’expliquais mal mes idées ? Mais je pensais que ces préoccupations m’étaient personnelles, que ce n’étaient que des élucubrations, des petites théories, des marottes. Et puis je constate que c’est un secteur de recherche en psychologie cognitive, un champ qu’on appelle la psychologie positive, et que je ne suis pas le seul à gamberger sur la question.

Et puis Mihaly, c’est une pointure, pas un occasionnel comme moi. Ces questions-là, il se les pose depuis des lustres, il mène des recherches avec toute une équipe, et il a des moyens.

Bon, je n’ai lu qu’une partie du bouquin, mais je suis scotché, camarades. Je ne sais pas jusqu’où Mihaly va me mener, mais c’est un tournant dans mon évolution, attention devant. J’ai largué les rêves. M’en fous, qu’on me comprenne. M’en fous qu’on apprécie ce que je fais. Je le fais pour le faire, et basta. Et les choses sont plus saines ainsi. Ok, j’ai fait un deuil, il a été douloureux. Mais moyennant quoi, je ressuscite sur d’autres bases. Je vais bricoler ma zique dans mon coin, je vais mener mes petits projets sans rien attendre en retour, et la récompense viendra de l’activité elle-même et non pas d’improbables feedbacks dispensés par un autrui plus ou moins à l’écoute. Je vais assainir les choses. De toutes façons, j’ai constaté que je marne toujours dans des secteurs peu porteurs, dans des formats qui échappent à cette culture de masse à laquelle je n’appartiens pas. Je ne suis pas marginal, mais je ne suis pas non plus dans la mode plein pot. Je suis dans les chemins de traverse, dans les voies difficiles. Ce que je fais est compliqué, foisonnant, jamais facile. Alors au lieu d’attendre une improbable reconnaissance et douter de moi, de ma valeur, de l’utilité de ma vie et que sais-je encore, au lieu de
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